21 & 23 déc 21

356. Sortie du 4è volet de Matrix des Wachowski, tétralogie inquiétante pour certains, mais pas pour les zélateurs de la dématérialisation : lu dans Le Monde / Pixels :

« Merry Christmas » : le premier SMS de l’histoire mis aux enchères sous forme de NFT

Ce message a été envoyé le 3 décembre 1992 par l’ingénieur informatique britannique Neil Papworth à son collègue Richard Jarvis, via le réseau de Vodafone.

Quasi inconnus il y a encore un an, les NFT se présentent comme un certificat d’authenticité pour un objet, virtuel ou réel, fondé sur la technologie de la blockchain, un système inviolable qui authentifie aussi les transactions d’échanges de cryptomonnaies.

Un NFT est unique et ne peut pas être échangé contre un équivalent, d’où son nom : non-fungible token (« jeton non fongible »).

Et ceci :

Une œuvre numérique se vend 69,3 millions de dollars chez Christie’s, le marché de l’art chamboulé

La vente d’« Everydays : the First 5 000 Days », œuvre réalisée par l’artiste américain Beeple, témoigne de la révolution en cours sur ce marché longtemps confidentiel.

Le Monde avec AFP


Nouvelle manne, nouvelle monnaie (le NFT est une cryptomonnaie, à l’égale du Bitcoin ou de l’Ethereum, mais c’est un actif numérique non fongible, i.e. unique et non reproductible, ce qui le différencie des autres cryptomonnaies. On peut acheter des NFT grâce à de l’argent « véritable » – mais cet argent-ci est déjà dématérialisé : en achetant des NFT, on dématérialise une seconde fois. Véritable hystérie de l’offre et de la demande, de valeurs artificiellement gonflées en bulles spéculatives, ainsi de l’œuvre de Beeple – après Apple, Beeple – achetée 70 millions de dollars. Rien ne semble plus rien vouloir dire, sinon la volonté de continuer cette chaîne signifiante du toujours plus, que rien ne borne. A quand Ceeple, Deeple, etc. ? Non pas besoin mais désir).

357. Relecture d’Une saison chez Lacan de Pierre Rey (1989). L’ai relu à la lumière de ma propre expérience d’analyse (mon analyste m’a dit, tout à la fin, qu’il avait été analysé par Lacan : je ne cesse de redécouvrir la force du signifiant, particulièrement de celui de Lacan, pour moi : discours du Maître?)

Relevé :

« La culture est continuité. La création, son contraire, est rupture.

Durée-plaisir | intensité – jouissance ; moins on jouit, plus on explique

La création ne vient jamais d’un bonheur. Elle résulte d’un manque. Contrepoids d’une angoisse, elle s’inscrit dans le vide à combler d’un désir dont on attend jouissance et de l’échec de son aboutissement. Autant dire qu’elle ne peut naître que d’un ratage, le manque à jouir.

Littérature, rature de la lettre.

L’habituel poinçon de l’interdit qui fait cortège au fantasme.

« Stress » (ou autres mots) appelés «  fièvre » avant, pour désigner maladie inconnue : désignation perverse consistant soit à jouer avec les signes qui révèlent le manque, soit à se débarrasser de ce qu’on refoule en rebaptisant ce qui pourrait le désigner.

« Je ne parle pas pour les idiots. » (Lacan)

L’aiguille dans La Dentellière de Vermeer est invisible / Lacan jouant le rôle de l’aiguille dans le texte de Rey (quoique omniprésent, il ne se trouve pas là où il est, mais plutôt au lieu où il a l’air de ne pas être, le corps même de la lettre.)

Plan de carrière accepté : peur de l’inconnue du désir / aspiration à mourir par peur de vivre

Tout acte manqué est un discours réussi.

Ce qui se crée dans l’analyse : l’avènement d’un sujet et, jamais donné mais toujours conquis, l’espace d’une liberté intérieure.

Analogie vocabulaire pictural et anal.

C’est au degré d’émotion dégagé par une œuvre que se jauge son intensité. (…) Le chef-d’œuvre, c’est ce qui irradie de l’énergie.

La peinture elle-même, qui semble pourtant ne pas se payer de mots, n’est, sitôt qu’un sujet parlant s’avise de la commenter ou de décrire l’état de sensation qu’elle provoque, qu’un effet de langage.

« Il n’y a de maître que le signifiant ». « Le signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant ». (L)

« Le propre du capitalisme, c’est d’avoir mis le sexe au rancart ». (L)

On n’aime que le mot qui représente la chose qui représente quelqu’un / chacun s’élide en tant que sujet pour devenir signe / certes on baise, et il y a du sexe, mais sa pratique n’implique nullement entre les partenaires qui s’y adonnent le moindre rapport dit « sexuel ». Du latin sectus. Càd coupé, tranché, le mot à lui seul impliquant la faille, la division, le chacun pour soi : le non-rapport.

Grandes similitudes entre analyse et écriture. Mobilisent 24/24 énergie qui instaure état d’indisponibilité à tout ce qui leur est étranger (i.e tout le reste) ; impliquent un dédoublement entre celui qui les pratique et le monde extérieur, une cloche de verre ouatant les rumeurs de la vie.

Le créateur créera dans un champ défriché par la trouée du langage, qui se féconde du délire (cf. De lira ! Hors du sillon !) »

(crédit iconographique « Lacan »par coal dubya est sous licence CC BY-NC-SA 2.0)