392. Je participe au Dictionnaire du comment écrire du Tiers Livre, et envoie l’entrée “Dédicace” (sans l’étymologie), réflexion sur la dédicace du livre A. à mon père.
(Étymol. et Hist. Fin XII es. dicaze « consécration d’une église, d’un oratoire » (Dialogue Grégoire,42 ds T.-L.); 1273-80 dedicasse « fête annuelle commémorant cette consécration » (Fridensreg. Tournai,530 ds T.-L.); [1613 « hommage qu’un auteur fait de son œuvre à une personne » (Pasquier ds Bl.-W.3-5)] source : CNRTL)
La dédicace d’un livre – je parle de celle imprimée par l’auteur, et non celle manuscrite après coup – est le premier destinataire. Quand le destinataire a disparu, cette mention fait signe aux autres lecteurs, bien vivants ceux-là, qu’ils peuvent passer après. Mais les lecteurs peuvent l’ignorer ; d’ailleurs, le destinataire de la dédicace est-il même connu des lecteurs ? Ce qui est à peser, c’est l’inflexion que ces mots liminaires, À ….., en mémoire de…, peuvent donner à la lecture, comment ils l’orientent. Signe, donc, d’un hommage, même ironique, d’une reconnaissance, d’un devoir de mémoire. L’auteur qui dédie son livre reconnaît une dette. Qu’est-ce que le lecteur en a à faire ? Je peux préférer aborder le texte vierge, comme on pose le pied sur une rive déserte, ne pas hériter de cette dédicace que l’auteur m’impose (« Sache, lecteur, que ce livre est dédié à … ») Bref, cela ne me regarde pas – ou plutôt : c’est une affaire entre l’auteur et l’autre. Je peux choisir, par curiosité, d’aller voir ce que dit ce signal supplémentaire, sans oublier qu’il est pour l’auteur un solde de tout compte. À ce titre, il n’est jamais anodin : un seuil visible, qui transforme celui qui le franchit.
(source image : http://www.pileface.com)