16-17 nov 21

271. Ecrire Algérie (dont le titre est provisoire, le titre définitif attend en coulisse) c’est habiter l’espace de plis, nés de l’oscillation constante entre déploiement et reploiement, dont la dynamique obéit aux à-coups du désir et de l’angoisse. Je pense que c’est vrai de tout ce que j’écris. Cet espace, l’espace d’un instant, d’un clin d’œil, se laisse difficilement saisir. Je peine (lapsus calami : j’avais écrit je pine, voilà un coup de barre !) à avancer. Je relis les pages du séminaire X de Lacan sur l’angoisse, délaissé depuis quelque temps, mais qui se rappelle soudain à moi. Éclairant : Lacan reprend la triade freudienne inhibition-symptôme-angoisse, qu’il décline ainsi, cherchant à établir une orographie de l’angoisse : inhibition comme arrêt du mouvement qui existe dans toute fonction ; symptôme comme empêchement ( être empêché est un symptôme, être inhibé, c’est un symptôme mis au musée ). Lacan rappelle l’étymologie : impedicare, être pris au piège. Il affirme que c’est le sujet qui est empêché, pris au piège de son image spéculaire : cassure intime qui barre la route vers la jouissance. Et l’angoisse ? Ce n’est pas une émotion mais un affect : pas refoulé, mais désarrimé. Ce qui est refoulé, ce sont les signifiants qui amarrent l’affect.

272. Je poursuis ma lecture du livre de Jauffret : son principal intérêt à mes yeux est qu’il est écrit à hauteur d’homme : exactement ce que je recherche.

273. Je m’interroge sur ma propension à lire beaucoup, particulièrement quand je me documente : alors oui, balayer un champ le plus ample possible ne peut guère desservir le projet, si la masse d’informations est intelligemment digérée et réutilisée. Mais cette libido legendi est boulimique. Dans ce livre en train de s’écrire, la somme de lecture est un rassurement, peut-être un alibi – non, pas un alibi, mais une manière de différer l’écriture, au prétexte fondé ou non que plus je serai informé, meilleur sera le texte : ça ne tient pas une seconde d’un examen impartial. Je n’écris pas un texte documentaire, ni un roman de guerre. C’est sans doute la place mouvante de ce texte qui rend l’écriture scabreuse : à quoi s’arrime-t-il ?