12 avril 22

465. Revenu à A. après long éloignement. Scène de l’embuscade enrichie, encore à finir, nourrie de souvenirs réapparus. « Bivouac » repris, tissé du parler de Bruay-sur-Escaut, où est né mon père. Le dépaysement se mesure évidemment à l’aune du pays qui fait apparition dans un mot entendu, une sonorité (qui devient, sous le coup du désir inconscient, sororité).

Impératif absolu : ne pas me regarder écrire, ne pas chercher la joliesse, l’esthétisme, le maniérisme. Peser chaque signe pour qu’il ait sa place légitime, sinon : effacer.

Zouaves en patrouille en Algérie | © ECPAD/fonds Jean Faure/Jean Faure

466. L’immersion dans A. était devenue si constrictive que je ne pouvais plus avancer. Lectures autres, écrits autres, pour pouvoir y revenir plus sereinement. Continuer d’obéir à cette urgence intérieure qui pousse, mais à distance. S’occuper à d’autres textes, sans oublier (impossible d’ailleurs) A., permet de tendre des fils invisibles de texte à texte. Ainsi, lisant un article sur les extrémistes de droite minoritaires actuels, les « zouaves Paris » ou « ZVP », issus du GUD, je tisse avec la photo d’un soldat du 9e régiment de zouaves (unité chargée de démanteler les « réseaux terroristes ») prise dans la vieille ville d’Alger, en 57. Photo, comme d’autres, vue dans le Géo Histoire de fév. 22 consacré à la guerre d’Algérie. C’est le mot « zouave » qui fait lien. Me vient alors « zouave en venelle ». Souterrainement, une idéologie rance ?

467. Ce que les hommes font aux mots : « zouave » vient du kabyle « zouaoua » (ancien nom des Kabyles) ; hypothèse la plus vraisemblable : vient du gérondif « zouaf », « en rampant ». Bref, mot algérien, repris après la conquête de l’Algérie et la reddition d’Alger le 5 juillet 1830. Pour y maintenir l’ordre, le comte de Bourmont recrute 500 zouaves parmi ceux qui ont servi l’Empire ottoman, qui deviendront un corps de Zouaves, par arrêté du 1er octobre 1830, de 8 compagnies de 100 hommes. Les Zouaves participent à la guerre de Crimée (1853-56, bataille victorieuse de l’Alma), à la campagne d’Italie (1859), à l’expédition du Mexique (1861-64), à la guerre franco-prussienne de 1870, sont dissous, puis reconstitués en 1872 pour garantir le maintien de l’ordre (vieille antienne) en Algérie et en Tunisie (de 1880 à 1890), et « pacifier » le Maroc (Lyautey). Suit l’expédition du Tonkin, puis de Chine (1900). Il se battent durant la première Guerre mondiale, repartent au Maroc dans l’entre-deux-guerres. La loi du 13 juillet 1927 distingue les forces permanentes basées en métropole et celles qui vont assurer la protection des colonies : les troupes d’Afrique, qui couvrent Algérois, Constantinois et Oranais, ainsi que le Maroc et la Tunisie. Il se battent (et sont sacrifiés) durant la Seconde Guerre mondiale (15 régiments en 39). 4 régiments sont créés en Afrique du Nord (le 29è à Alger). Indochine : rien trouvé, sinon que 150 000 Maghrébins y sont envoyés ; certains ont combattu en Italie, en France et en Allemagne. Guerre d’Algérie : appelés et rappelés métropolitains ou des départements algériens. Les Zouaves, donc, ont mission de combattre les réseaux FLN et d’assurer l’ordre en ville. Au 19 mars 62, les unités de Zouaves sont les 2è , 3è et 8è régiments.

468. Le mot « zouave » a donc été utilisé pour servir les intérêts militaires et colonialistes de la France. Exemple de novlangue orwellienne qui retourne le mot en son contraire. Contre-emploi aussi que celui des maintenant dissous « Zouaves de Paris », groupuscule néonazi qui avait annexé la signification originale du mot « zouave », en un Anschluß linguistique. Ces « ZVP » étaient loin de la bravoure et de l’audace proverbiales des véritables Zouaves sur les différents théâtres d’opérations.


Patrouille d’une section du 9e régiment de zouaves (RZ), Alger |© Raymond Varoqii/ECPAD/Défense

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