
452. La revue D-Fiction accepte de publier le « Projet K ». Je viens d’achever la lecture du roman Tono-Bungay de Herbert George Wells, publié en 1909. Sans doute ne l’aurais-je jamais lu, n’avait été la citation liminaire de Darragh McKeon dans son roman Tout ce qui est solide se dissout dans l’air (poinçon 405). Il se trouve que la partie consacrée à la recherche du composé radioactif baptisé « quap », qui aurait permis de renflouer les affaires périclitantes de l’oncle du narrateur, n’occupe que le 4è chapitre du livre III, sur les quatre qui occupent les 583 pages du roman (édition Payot Paris de 1962, traduction d’Edouard Guyot, de fort médiocre qualité, tant abondent les coquilles et les lettres effacées – les pages découpées et l’odeur entêtante de moisissure qui s’échappe du bouquin ont agacé ma lecture).
A nouveau, je m’attendais à autre chose, dans la lignée de L’Homme invisible, de La Machine à explorer le temps ou de l’extraordinaire souvenir de lecture de La Guerre des mondes. Pas du tout : Tono-Bungay est un roman social, qui analyse la société britannique au tournant du siècle (catégories sociales, hiérarchisation), doublé d’un récit semi-autobiographique (selon Wikipédia) où le narrateur George (comme Herbert George Wells) narre ses amours (Marion, Effie, Béatrice Normandy) sans complaisance. Le roman propose des échappées aventureuses à la Jules Verne (dont l’expédition pour tenter de récupérer le minerai radioactif, un vol en aéroplane au-dessus de la Manche pour échapper à la justice et aux créanciers anglais). Premières automobiles, naissance de l’aviation, car George est ingénieur et se lance dans la réalisation de planeurs et dirigeables.
Je reviens à l’idée de « désintégration radioactive » : l’affirmation de Wikipédia selon laquelle « Tono-Bungay fait une large part à la désintégration radioactive » est erronée. Le rédacteur aurait dû éviter l’adjectif « radioactif », car il semble ainsi avoir isolé le thème du minerai, sans en mesurer la portée dans l’ensemble du roman.
13 mars 22
454. Je me suis éloigné d’Algérie, ou l’inverse. Indémêlables raisons ; j’ai lu Tono-Bungay (en libre accès en anglais) et m’aventure dans d’autres textes – et l’Algérie revient pourtant, débuche sur Arte, sur France 2, à travers films et documentaires ; amis et famille me signalent gentiment ces programmes. Indémêlables raisons donc, pourtant : y regarder. Désir de ne pas le finir, d’y toujours rester (comme un symptôme qui a tant fait corps avec soi qu’il en est indissociable) ? Mais aussi difficulté à l’écrire (les départs de pages s’accumulent, comme des départs de feu étouffés ; les pages écrites ne me soutiennent guère : tout est toujours nouveau). Aussi une tension que je ne peux plus maintenir, qu’il me faut mettre à distance – d’où ces sentiers de traverse.