18 fév 22

433. Je retrouve, après bien des recherches, un morceau de Duke Ellington qui m’avait enchanté adolescent. Ce morceau figurait sur un 33 T, dans un coffret consacré au jazz. Morceau rapide, qui déroule 2’46 de pur bonheur de trompette, trombone, clarinette, banjo, contrebasse… : Jubilee stomp. Duke joue avec son Cotton Club Orchestra. Je réécoute Haunted Nights, The Mooche. Et dans le même tempo enlevé, dans le débridé virtuose de la clarinette, Tiger Rag.

434. Notes, lectures. Petits traités I de Pascal Quignard, Putain de mort de Michaël Herr, La maison indigène de Claro, j’y reviendrai : essentiel pour ce qui me préoccupe.

435. Ballast de Jacques Dupin, recueil qui comprend Contumace, Échancré, Le grésil. « Ballast » est le 2è poème de la partie Contumace.

Massue abortive, ou la traverse
d’une voie de chemin de fer assénant
sa rage immobile à l’herbe
du ballast,
à l’herbe du néant…

436. Et la mort de Michel Deguy

437. Assolement : sécheresse | vide | angustia

438. Noté dans La maison indigène de Claro (Actes Sud)

(Ébauche du père ? Recherche du père ? Je dirais plutôt : récolement. Une façon d’inventaire, de passage en revue d’une masse de bric cru et de broc saignant qui me permettrait d’imaginer mon père sous la forme d’une collection, sinon fini, du moins suffisante. Archives du père : incomplète, bien sûr, lacunaire comme il se doit, toutes en trouées fictives par où lorgner, l’œil interprétant déjà ce qu’il guette, guettant encore et encore ce qu’il saura interpréter.)

La phrase « toutes en trouées fictives par où lorgner, l’œil interprétant déjà ce qu’il guette, guettant encore et encore ce qu’il saura interpréter » me semble fulgurante de ce que je mets en place pour A.

Similitude de dispositif (qui au vrai s’impose) que j’utilise dans A. : l’inventaire, le bestiaire, autant de formes de recenser / resenser la réalité, d’imposer un cadre, sinon un ordre, sur l’évanescent, l’oublié, le perdu. La trouée fictive est bien le recours à la fiction, ce à quoi je me refuse encore, en tout cas dans le sens d’une fiction qui serait pure invention et qui ne s’appuierait sur rien de la vie de mon père. Le chapitre intitulé « embuscade » est une fiction au sens où je comble le vide entre les quelques éléments bien réels que je l’ai entendu nous raconter une fois.

Il est un autre dispositif que Claro met en œuvre, l’oblicité. L’un des enjeux du récit est de chercher, dans cette maison, la pièce du père (comme une pièce manquante du puzzle pérecquien). Pourquoi oblicité ? La maison indigène est celle que le grand-père de Claro, l’architecte Léon Claro, fait bâtir en 1930 à Alger « pour rendre hommage au style néomauresque lors du centenaire de l’Algérie française ». Albert Camus visite cette maison 1933, il en sort ébloui et rédige un de ses premiers textes : « la maison mauresque », acte de naissance de l’écrivain. Enquête oblique que celle qui passe par les visiteurs d’une maison « boîte noire », où Claro démêle les fils de l’histoire familiale du grand-père, du père, des visiteurs, du poète Jean Sénac ami de Camus.

L’écriture oblique ou tangentielle est l’un des moyens de s’approcher de cette « boîte noire ». Approche prudente de ce que Claro appelle ailleurs « le centre du réacteur ».

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