20-21 nov 21

balise de défiction

279. Retour sur le poinçon 274 et la question de la fiction | non-fiction. J’avais été sensible aux interventions du narrateur chez Duras : « j’invente », « je vois ceci », dans Le ravissement de Lol V Stein (poinçon 157). Donc : signaler ce qui ressortit à l’invention pure, par une balise de défiction. Cette balise évite l’artificialité d’un impossible point de vue omniscient.

280. Dans le livre de Jauffret, un passage fort intéressant : « Les Fells ». Il porte notamment sur le fait que «  l’ennemi n’est pas désigné », car « le reconnaître serait admettre la guerre civile puisqu’il s’agit de département français ». C’est un paradoxe qui va laisser une empreinte indélébile, jusqu’à aujourd’hui encore. Une guerre sans nom : un déni de la réalité, de l’histoire coloniale française. Ce déni génère « plusieurs niveaux de langage », remarque Jauffret : 1/la langue officielle appelle l’ennemi « rebelle », « bandits », « HLL » pour hors-la-loi ; négation de toute valeur humaine : « mâles détruits » ou « ramassés » ; 2/les militaires du rang parlent de fellagha, felloches, fellouzes, fells. Diabolisation de l’adversaire. Toujours la même rhétorique à l’œuvre : dépréciation (suffixes « -ouze », « oche»), animalisation (« mâles », cf. Les Tutsis appelés « cafards » par les Hutus, les « Untermensche » des nazis), réification (« ramassés », cf. Les « Stücke » des nazis). Propagation des mots, dont la charge virale s’impose à tous comme une maladie.

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