31 oct 21

233. Pas de côtés (sic) dans ce journal. Est poinçon tout ce qui me point.

234. Tropisme nucléaire : vais lire Réacteur 3 [Fukushima] de Ludovic Bernhardt (éd. Landskine). Il me signale Journal des jours tremblants : Après Fukushima, précédé de Trois leçons de poétique de Yoko Tawada, et William Vollmann, Fukushima dans la zone interdite. Bonne occasion pour lire tous ces auteurs, et découvrir enfin le monument Vollmann. Je lui parle du livre de Michaël Ferrier, Fukushima. Et, sur Tchernobyl, un roman que j’avais beaucoup apprécié, Le cycliste de Tchernobyl de Javier Sebastián.

235. Tropisme mexicain : désirant relancer les éditeurs pour ma traduction du recueil de José Emilio Pacheco La Sangre de Medusa, en souffrance dans un tiroir, je tombe sur la page FB dédiée à l’écrivain – une mine de textes et de photos, tenue par Jesús Quintero, « Textos a la deriva », et lis ceci :

(source : france-troc.com)

Contre le Kodak, de José Emilio Pacheco

Terrible chose que la photographie.
Penser que dans ces objets à quatre angles
Gît un instant de 1959.
Visages aujourd’hui disparus,
Air qui n’est plus.
Parce que le temps se venge
de ceux qui brisent l’ordre naturel en l’arrêtant,
les photos se fendillent et jaunissent.
Elles ne sont pas la musique du passé :
elles sont le fracas
des ruines du dedans qui s’effondrent.
Elles ne sont pas le vers mais le craquement
de notre irrémédiable cacophonie.

(trad. personnelle)

Ce poème est tiré du recueil Irás y no volverás / Tu partiras sans retour (1969-1972), que je n’ai pas ; j’en ai des extraits dans l’anthologie La fábula del tiempo / La fable du temps (2005). L’interrogation constante sur le temps, découverte dans Batailles dans le désert (1981), La lune décapitée (1963-1969), et le génial Tu mourras ailleurs (1967), tous trois traduits en français, réapparaît dans ce court poème : le temps s’en prend aux visages, à l’air, à la matière qui craquèle et jaunit ; la photographie est effondrement de déjà-ruines, dysharmonique et rageur. Voilà qui me donne envie de traduire cette anthologie…qui restera lettre morte peut-être.

236. Par association d’idées, de la « déchirure oblique » des cartes d’ André-Pierre Arnal (poinçon du 30 oct 21) au fendillement de la photographie évoqué par Pacheco. Geste de séparation, dans la carte (coupée du territoire qu’elle représente, parce qu’elle en est le symbole imparfait) comme dans la photographie (à jamais coupée dans le temps et l’espace du sujet dont elle est une représentation forcément spectrale). Dans les deux, déchirure (souvenir du film La déchirure de Roland Joffé, 1984, au moment de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Quatre reporters tentent de quitter la ville ; j’ai en mémoire la scène où l’un d’eux fait l’impossible pour révéler une photo d’identité qui permettrait d’utiliser un document officiel – il me semble que c’est leur assistant cambodgien Dith Pran qu’ils essaient de sauver ?)

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